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Le rôle des régulations dans l’évolution du Mobile Money en Afrique

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L’essor du Mobile Money en Afrique a été fulgurant, mais il s’est accompagné de nombreux défis réglementaires. Avec 856 millions de comptes enregistrés en 2023, contre 562 millions en 2020, soit une augmentation de 52 %, le marché est en constante expansion.

Cependant, un cadre réglementaire parfois rigide et disparate freine encore le plein potentiel des startups fintech.

Des règles variées et un cadre fragmenté

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L'Afrique ne dispose pas d'une régulation uniforme du Mobile Money. Chaque pays applique ses propres règles, ce qui complique l’expansion des entreprises à l’échelle continentale. En plus des différences réglementaires, certaines politiques fiscales ont également un impact direct sur l’adoption et l’utilisation des services de Mobile Money.

Des Régulations Contraignantes

  • Au Nigéria, la Banque Centrale impose des exigences strictes aux entreprises non bancaires qui souhaitent offrir des services financiers, limitant ainsi l’essor de certaines fintechs. Les opérateurs de Mobile Money doivent obtenir des licences coûteuses et justifier d’un capital minimum de 5 milliards de nairas (plus de 3 millions d’euros) pour obtenir une licence de Mobile Money (d’après un rapport de la banque centrale du Nigéria, rendu public en 2020).
  • Au Ghana, bien que le cadre réglementaire soit plus souple, les fintechs doivent s’adapter à des évolutions fréquentes des lois. En mai 2022, l’introduction d’une taxe électronique de 1,5 % sur les transactions Mobile Money a temporairement ralenti l’adoption du service, avec une baisse notable des volumes et des valeurs des transactions dans les mois suivant sa mise en place. Face à cette situation, le gouvernement a réduit le taux de cette taxe à 1% en janvier 2023, ce qui a contribué à une reprise du marché.

L’Impact des Taxes sur le Mobile Money

De nombreux gouvernements africains voient dans le Mobile Money une opportunité d’accroître leurs recettes fiscales. Actuellement, 15 pays africains imposent des taxes sur ces services, notamment la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Kenya, le Cameroun et l’Ouganda. Toutefois, ces mesures ont un impact contrasté.

Par exemple, en 2018, l’Ouganda a introduit une taxe de 1 % sur toutes les transactions Mobile Money. Cette taxe s’appliquait aux transferts, dépôts et retraits, entraînant une chute brutale de l’utilisation du service. Les conséquences ont été immédiates. Le nombre de comptes actifs d’argent mobile est passé de 34 millions à 26 millions entre 2018 et 2019, tandis que les transactions en espèces ont augmenté de 17 %.

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Le Cameroun quant à lui, a augmenté les taxes sur le mobile money depuis le 1er janvier 2025, ajoutant 4 FCFA (environ 0.0061 euro) par transaction aux frais existants qui incluaient déjà une taxe de 0,2% depuis 2022.

Bien que ces taxes contribuent aux finances publiques, elles peuvent ralentir l’inclusion financière, en particulier pour les populations pauvres et rurales non bancarisées, qui sont plus sensibles à l’augmentation des coûts de transaction.

Un Besoin d’Harmonisation

L’absence d’un cadre réglementaire et fiscal harmonisé en Afrique empêche les fintechs de se développer pleinement à l’échelle du continent. L’instauration d’une régulation plus cohérente, combinée à des politiques fiscales adaptées, pourrait favoriser une croissance plus inclusive du Mobile Money en Afrique.

Nous abordons d’ailleurs les problèmes liés aux réglementations lors d’une interview avec Ibrahima SOUMANO, cofondateur de la plateforme Rezo Money. Elle est disponible ici.

Une autre problématique réside dans l’obtention d’une licence d’exploitation, qui représente un véritable parcours du combattant pour les startups du Mobile Money. Les critères stricts, les coûts élevés et la lenteur des procédures administratives empêchent souvent des acteurs innovants d’entrer sur le marché.

Les transferts transfrontaliers, un défi majeur

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Les transactions transfrontalières restent un casse-tête pour les fintechs opérant en Afrique, malgré un besoin croissant d’échanges fluides entre pays. Chaque régulateur impose ses propres règles, obligeant des entreprises comme Flutterwave et Chipper Cash à négocier séparément avec plusieurs autorités nationales.

Vers une régulation plus favorable ?

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Face aux défis réglementaires entravant le développement des fintechs en Afrique, plusieurs initiatives récentes témoignent d'une volonté d'assouplir et d'harmoniser les cadres existants :

Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO)

En janvier 2024, la BCEAO a émis une directive établissant les procédures pour la fourniture de services de paiement au sein de l'Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA). Cette directive vise à accélérer le processus d'approbation des prestataires de services de paiement, avec un délai maximal de six mois pour l'obtention des licences nécessaires.

Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC)

En décembre 2024, l'EAC a franchi une étape significative en harmonisant les cadres de gouvernance des données à travers ses huit États partenaires. Cette initiative facilite l'intégration numérique régionale et simplifie les transactions transfrontalières pour les fintechs opérant dans la région.

Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC)

Bien qu'antérieure, une avancée notable a été réalisée avec la mise en œuvre du Système de Règlement Brut en Temps Réel (RTGS) dans les 16 États membres de la SADC. Ce système vise à accélérer les transactions et à améliorer l'efficacité des paiements au niveau national, jetant ainsi les bases pour une interopérabilité régionale accrue.

Ces efforts concertés pour créer un cadre réglementaire plus souple et harmonisé devraient permettre aux fintechs de se développer plus rapidement, favorisant ainsi la transition vers une économie sans numéraire sur le continent africain.

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